Tourisme culturel : nouveaux visages, nouvelles expériences

Ministère de la Culture et de la Communication de France,
26 May 2017, France

Organisé par le ministère de la Culture, le forum "Entreprendre dans la Culture", qui s'est terminé le 24 mai à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, accompagne les porteurs de projets de création ou de développement d’entreprise dans le secteur de la culture. Retour sur un temps fort de cette 3e édition : les nouvelles formes de tourisme culturel.

 Créer une réelle synergie entre culture et tourisme ». Cette ambition, réaffirmée par le ministère de la Culture lors des premières Rencontres du tourisme culturel, qui se sont tenues le 16 décembre dernier, puis lors du lancement de la Saison culturelle, qui s’est ouverte le 20 mars, s'est concrétisée en une véritable stratégie réunissant l’ensemble des opérateurs pour renforcer le tourisme culturel. Parmi ceux-ci, des entreprises innovantes jouent un rôle de premier plan dans le renouvellement du tourisme culturel, qui est apparu, lors d'une table-ronde du forum « Entreprendre dans la culture » sur « Le tourisme se réinvente : à la recherche de nouvelles expériences », à la fois « atypique » et « multiforme ». Faire de la culture un enjeu touristique et du tourisme un enjeu culturel implique, à cet égard, une bonne connaissance des tendances actuelles sans laquelle il peut sembler ardu d’orienter le public.

Redonner leurs lettres de noblesse à tous les territoires

Cette nécessité, Cyril Aouizerate, le fondateur de Mob Hôtel, la comprend très bien. Avant de se lancer dans son projet d’hôtellerie coopérative et avant-gardiste, ce dernier a séjourné aux quatre coins du globe pour s’imprégner des désirs des voyageurs et façonner le tourisme de demain. « On accorde trop d’importance aux innovations technologiques dans un métier où l’accueil de l’homme reste central », affirme-t-il. Désireux de permettre aux voyageurs de « développer, ne serait-ce que quelques heures, un ressenti de la ville dans laquelle ils posent leurs valises », l’entrepreneur conçoit Mob Hôtel comme un lieu de vie et de partage. Ouvert depuis deux mois, l’endroit propose, au-delà de ses 92 chambres, toutes sortes d’expériences de natures sociale et culturelle avec la mise à disposition d’une grande librairie, l’organisation de séances de cinémas en plein air et de concerts, l’ouverture d’ateliers de rencontre avec des artisans ou la culture de potagers sur les toits. Toits auxquels les riverains ont également accès, donnant là une opportunité rare au voyageur de créer du lien avec l’habitant. En installant son premier Mob Hôtel, dans d’anciens bureaux de General Electric, à Saint-Ouen, Cyril Aouizerate entend lutter contre une certaine « fatalité urbaine », en redonnant leurs lettres de noblesses à des territoires qui, indépendamment de leur potentiel, demeurent l’objet de nombreux préjugés.

Démystifier la "frontière" symbolique du périphérique parisien

Même objectif de redécouverte des territoires chez Nicolas Le Goff, « défricheur métropolitain » auto-proclamé. L’auteur du livre L’autre Paris, 10 promenades dans les quartiers qui réinventent la capitale y propose des itinéraires « qui débutent là où, généralement, les touristes s’arrêtent ». L’écriture de l’ouvrage est le fruit d’un long processus et de plusieurs prises de consciences successives, relatives au manque de documentation concernant le côté alternatif de Paris, au potentiel inexploité de l’est de la ville en tant que territoire d’expérimentation et à la nécessité de démystifier la « frontière » symbolique que représente le périphérique. En 10 promenades allant de 3h à 3h30 de marche, Nicolas Le Goff invite les Français – qu’ils soient issus de Paris, de banlieue ou de province – et les étrangers à partir des arrondissements périphériques « à deux chiffres » pour découvrir la banlieue. « Un grand nombre des touristes présents à Paris sont déjà venus une première fois : ils ont fait les parcours classiques, les principaux musées, et sont donc ouverts à la possibilité de s’éloigner du centre de la ville et élargir leurs horizons », souligne l’auteur.

Valoriser les itinéraires touristiques hors des sentiers battus

Lier tourisme industriel et tourisme de savoir-faire : c’est ce que propose l’association Entreprise & Découverte qui valorise elle aussi les itinéraires touristiques sortant des sentiers battus. « Parmi nos adhérents nous comptons 2 000 entreprises qui ouvrent de manière durable et régulière leurs portes au public », rapporte Cécile Pierre, déléguée générale de l’association. L’objectif ? Donner du poids à une activité en pleine croissance, en facilitant la rencontre entre les intérêts économiques des entreprises et les attentes culturelles du public. Les visites d’entreprises représentent en effet un outil de communication et de commercialisation formidable pour les premières, qui peuvent ainsi faire valoir la qualité de leur production, fidéliser les visiteurs – et, le cas échéant, en vendre une partie dans d’excellentes conditions. Les visiteurs, quant à eux, saisissent là une opportunité de comprendre le fonctionnement d’univers pouvant apparaître, de prime abord, mystérieux et fermé – comment fabrique-t-on un savon ? un avion ? – et ce, dans le cadre d’un moment de partage avec l’entreprise et ses salariés. « Près de 40 % des entreprises avec lesquelles nous travaillons ont plus de 50 ans », précise Cécile Pierre, avant d’évoquer la dimension patrimoniale de ces industries qui, aux côtés des châteaux, des églises et des musées, constituent un pan conséquent de l’offre culturelle française.

Tourisme et cinéma, l'attractivité des territoires au beau fixe

Une idée que reprend Baptiste Heyneman, chef du service des industries techniques et de l’innovation au Centre national du cinéma (CNC), en soulignant l’importance de l’image en tant que « vecteur d’attractivité et de connaissance du territoire ». « La France, première destination touristique au monde, est aussi un pays doté d’une culture et d’un rayonnement cinématographique d’exception », ajoute celui-ci avant d’insister sur « l’enjeu essentiel que représente, en termes de compétitivité, le croisement du tourisme et du cinéma ». Mis en en place dans cette optique en décembre 2009 par le CNC, le crédit d’impôt international participe à une entreprise d’optimisation de l’attractivité du territoire français en tant que terre de tournage. Le dispositif, qui a bénéficié à 154 œuvres cinématographiques et audiovisuelles de 21 nationalités différentes, suscite d’importantes retombées économiques directes, tout en participant à l’accroissement du rayonnement culturel de la France à l’étranger. Il représente enfin un enjeu majeur en termes de diversification des flux. Selon Baptiste Heyneman, « entre 5 et 15 % des visiteurs choisissent leur destination en fonction d’un lieu vu dans un film ». A titre d’exemple, la ville de Chantilly est passée de 200 à 20 000 touristes chinois par an à la suite de la diffusion du film Chinese Zodiac, dans lequel Jackie Chan fait une cascade sur le toit du Château. Un succès qui suit plusieurs axes aisément identifiables : un public bien ciblé, une collaboration active du lieu – avec la mise en place de circuits et de séjours spécifiques suite au tournage du film – et une excellente communication impliquant, entre autres, la création d’un making-of dans lequel Jackie Chan fait la promotion du château.

Les friches industrielles : lieux polymorphes et écosystèmes bourdonnants

Le choix du lieu est également un enjeu majeur pour Denis Legat, cocréateur de Ground Control et de Grand Train. « En tant qu’acteurs événementiels on recherche toujours des destinations insolites et curieuses », explique-t-il. Lors de sa deuxième édition, Ground Control avait investi, avec l’accord de la SNCF, le dépôt de la Chapelle, haut lieu du patrimoine ferroviaire, où toutes les locomotives du réseau Nord de la SNCF été réparées entre 1850 et 2012. Réinvestie temporairement, la friche industrielle avait ainsi été transformée en un écosystème bourdonnant où l’on pouvait boire, manger et assister librement à des concerts, des projections ou des ateliers de toute sorte. Les années suivantes, mus par la volonté de valoriser un lieu de mémoire dont ils avaient pu appréhender la richesse, les organisateurs de l’événement, toujours en partenariat avec la SNCF, avaient entrepris de rendre un dernier hommage au bâtiment : 25 locomotives anciennes avaient été déplacées sur place. Ce véritable parcours muséal avait su rassembler 400 000 personnes en cinq mois. Ground Control est aujourd’hui de retour derrière la Gare de Lyon, pour la mise en place d’un « nouveau lieu polymorphe, où artistes et artisans sont conviés à s’installer pour le plaisir de tous ».

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